Résumé :
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Les résultats auxquels nous sommes arrivés nous affirment que les trois oeuvres de Malek Haddad appartiennent à un seul univers fictif. Un univers qui n’est pas stable et repris identiquement à chaque fois, mais bien un univers variable, qui varie non seulement suivant le cours des événements dans chaque oeuvre mais aussi suivant la migration des éléments fictifs d’une oeuvre à une autre. L’organisation des oeuvres sur l’axe de l’histoire se fait selon l’ordre des passerelles transfictionnelles, dans notre cas suivant l’apparition et la réapparition des personnages, et pour que l’écrivain puisse organiser ses éléments fictifs, et surtout les personnages, en parallèle aux événements et aux oeuvres, il doit être un visionnaire. Malek Haddad l’est, car le fait de commencer sa fiction globale par le début de son dernier roman le prouve, en plus, il le confirme dans son roman Je t’offrirai une gazelle, en parlant du personnage de l’auteur – qui n’est autre qu’une image de l’écrivain lui-même1 – : « C’était un homme perdu au milieu des cailloux et des problèmes, une sorte de visionnaire indifférent aux horizons qu’il découvrait »2. Cela nous ramène à affirmer que l'incomplétude de la fiction dépend d’un facteur textuel, et le texte, aussi étendu soit-il, ne parvient pas à couvrir la fiction qu'il met en oeuvre. Dans la trilogie de Malek Haddad, chaque texte est indépendant de l’autre si on les lit séparément. Mais si on s’approfondit dans la dimension fictionnelle de l’oeuvre et on prend l'acte de lecture en considération, on remarque que cette clôture textuelle semble bien se fendiller. Les échanges transfictionnels sont présents. La transfictionnalité et les réflexions sur les mondes fictifs ont permis de montrer que la clôture de la fiction ne se confond pas avec celle du texte, voire même que la fiction peut ne pas se clôturer, et cela dépend et de l’écrivain et du lecteur. L’avantage qu’offre la pratique transfictionnelle à l’écrivain est le pouvoir d’agrandir le champ symbolique de son oeuvre, de lui donner une continuité et une dimension spatiotemporelle de plus. Il peut s’amuser à changer le malheureux destin d’un personnage, ou le sort d’une population après une guerre. Pour ce faire, l’écrivain joue avec des signes, comme nous l’avons vu dans les oeuvres de Malek Haddad, et ses gadgets sont des noms, des couleurs et deschiffres. Grâce à d’autres oeuvres de fiction il équipe la sienne d’un passé ou d’un avenir, voire même d’un présent, dont les événements se passent simultanément. De sa part, le lecteur se base sur sa logique et ses connaissances générales pour déchiffrer le message secret des passerelles transfictionnelles. Il se trouve même que le lecteur est la clé de ce phénomène, car les fictions ne communiquent pas entre elles, sinon à travers l'encyclopédie de base du lecteur. La pratique de la transfictionnalité plonge le lecteur dans un univers qui dépend des relations entre différentes fictions, et entre monde réel et monde possible. Elle le fait voyager à travers le temps et l’espace, à travers les différentes littératures et les multiples genres littéraires. De ce fait, les textes ne s’abordent plus isolément mais en fonction d’autres textes, et souvent en fonction d’un parcours à travers les textes et les livres. Ainsi, le rôle essentiel de cette pratique est celui d’enrichit les actes de lecture en matière de connaissance.
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